SAUVAGE MATÉRALITÉ, aux éditions LOCO
132 pages, 118 photos couleur et n&b, 45 Euros
160 Euros avec un tirage limité signé
(contact : jcbechet@gmail.com)
Le défaut principal de tout le matérialisme est que l’objet, la réalité la matérialité n’y sont considérés que sous la forme de l’objet ou de l’intuition, mais non comme activité sensible de l’homme, comme praxis, non subjectivement.
Karl Marx / Thèses sur Feuerbach (1845)
Il ne faut jamais ouvrir le ventre du mystère. /René Char
Premièrement, on peut tromper l’appareil, aussi obstiné soit-il. Deuxièmement, on peut introduire clandestinement dans son programme des intentions humaines qui n’étaient pas prévues. Troisièmement, on peut contraindre l’appareil à produire de l’imprévu, de l’improbable, de l’informatif. Quatrièmement, on peut mépriser l’appareil ainsi que ses productions, et détourner son intérêt de la chose en général pour le concentrer sur l’information. En d’autres termes, la liberté est la stratégie qui consiste à soumettre le hasard et la nécessité à l’intention humaine. Être libre, c’est jouer contre les appareils.
L’appareil photo n’est pas un outil, mais un jouet et le photographe n’est pas un travailleur, mais un joueur. La seule différence est que le photographe ne joue pas avec son appareil, mais contre lui. Il s’insinue dans son appareil pour mettre en lumière les intrigues qui s’y trament « Vilém FLUSSER / « POUR UNE PHILOSOPHIE DE LA PHOTOGRAPHIE ª
2006 : je publie aux éditions Trans Photographic Press un livre intitulé « vues n°0 » où je parlais de mon attachement à la matière argentique du film photographique et à ce hasard aléatoire de la première vue, souvent voilée, où la lumière venait contrarier et perturber le cadrage imaginé par le photographe. J’avais rassemblé de façon chronologique 50 débuts de films où je trouvais ces photos ratées, amputées, effacées diablement réussies ! Imprimé sur trois papiers différents (mat, satiné, brillant), trois « matières », ce livre était une déclaration d’amour à l’argentique à un moment où l’on pensait que le numérique allait reléguer le grain d’argent aux oubliettes de l’histoire. Il n’en a rien été, la résistance analogique a été efficace menée en grande partie par les nouvelles générations. Les « digital natives », autrement dit les moins de 35 ans, semblent friands de pellicules et d’appareils mécaniques. Belle revanche…
2013 : aux Rencontres d’Arles, à l’invitation de François Hebel, j’expose aux Ateliers SNCF une série intitulée « Accidents » qui prolonge cette réflexion sur l’émouvante fragilité du film argentique et son dialogue permanent avec la révélation de la lumière. Je compléte mes « Vues n°0 » avec des diapositives couleur et des films polaroids.
2023 : La Bibliothèque Nationale retient certaines de mes photographies dans une exposition intitulée « L’épreuve de la matière » . C’est le moment pour moi de montrer les essais et expérimentations que je mène depuis 15 ans. J’ai revisité mes « vues n°0 » et mes « accidents » argentiques en employant au quotidien les outils numériques que sont l’appareil photo digital, l’ordinateur, l’imprimante, le scanner, etc… Le numérique est finalement, pour moi, non pas une dématérialisation » de l’image photographique mais au contraire une re-matérialisation ! En me permettant d’imprimer mes images sur beaucoup plus de supports différents, sur des papiers incroyablement beaux et variés, en s’adaptant aux procédés anciens grâce à l’obtention facile de « négatifs numériques », le pixel a en réalité dopé la matérialité photographique. D’une façon désordonnée, anarchique, sauvage, donc, comme le dit le titre de ce livre (que j’explique en fin d’ouvrage…) . Le foisonnement actuel de la photographie d’art prend sa source dans cette révolution du médium. Une révolution que j’essaie ici d’explorer en textes (avec le concours d’Héloïse Conesa et de Thierry Bigaignon) et en images avec des « études » qui sont à la fois des œuvres esthétiques et des preuves philosophiques de la richesse des matériaux photographiques. Car si je pratique l’hybridation et le métissage des techniques, toutes sont ici issues du monde photographique. Je revendique une hybridation interne ! Et un voyage dans une matière riche en potentialités. Une matière 100% photographique, car ici il n’y a ici que de « pures » et « vraies » photographies ! JCB