Fra-For, livre sous coffret, format 47 x 34 cm, éditions Verlhac, 48 pages, 50 photos, 40 E, (livre réalisé avec Sylvie Hugues)
« La guerre… de Troyes n’a jamais eu lieu ! Dans les années 90, l’usine « Fra-For », fleuron de la bonneterie française dans la région champenoise, n’a pas mené de combat épique pour rentrer dans l’odyssée des entreprises nationales tels les trois cents employés de Lip pour sauver leur emploi.
Le vide occupe seul les locaux. Les voix se sont tues et l’écho de leurs pas meuble l’absence de bruits dans les 3000 mètres carrés désertés. Seules quelques chaises égarées parmi les débris de placo, de vitres brisées, habitent l’espace déserté depuis 1999. Dans les bureaux, aux portes parfois déglinguées, une serviette ou un pan de rideau brassé autour d’une poignée de fenêtre rappellent le bon temps.
Jean-Christophe Béchet ne s’est pas mépris. Il a fait du décor des décombres de l’usine Fra-For, le lieu de rendez-vous des fantômes en …filature qu’il a traqués au sens propre et figuré dans un jeu d’ombre et de lumière d’une rare densité. Au détour des pièces hantées par le souvenir des absents et le poids du passé, une fenêtre lui a offert le cadre naturel d’un clin d’œil à la postérité. Les bris de carreaux éventrés, concassés en mosaïque de noir, de blanc et de gris, sont fuselés en lames scintillantes et surmontés en haut du cadre de l’image de deux yeux percutant de brillance cinglante. On ne voit que ce regard frontal tranchant net sur l’épaisseur du noir intense digne d’un tableau de Pierre Soulages, qui comble le haut de l’image. A l’instar du célèbre peintre, Jean-Christophe Béchet dans ses cadrages très contrastés et tirés au cordeau comme la charpente métallique des lieux, a cherché le pigment d’un moment historique, emblématique de l’histoire ouvrière et industrielle de notre pays confronté à la mondialisation galopante. »
Extrait de la préface d’Alain Mingam, photojournaliste et commissaire d’exposition.